A la croisée de la recherche et de l'industrie, le Cetim, institut technologique labellisé Carnot, est le centre d'expertise mécanique français. Outil R&D de près de 7000 entreprises mécaniciennes, il compte 700 personnes dont plus de deux tiers d'ingénieurs et techniciens, pour 100 M€ de chiffre d'affaires. A l'occasion du salon Pollutec, Michel Laroche, Président du Cetim s'est exprimé autour du thème " Mécanique et Environnement, une équation durable ".
Dans le contexte international actuel, quels sont d'après vous les enjeux de l'innovation et de la R&D pour l'industrie française en Europe et dans le monde ?
Michel Laroche : La France fait partie des rares pays de l'OCDE ayant accru leurs efforts de R&D, non seulement en 2010 (+1,4 %) mais aussi au cours des deux années précédentes, malgré la crise. Aujourd'hui, conserver une activité industrielle compétitive en Europe impose de réinventer la façon de concevoir et de produire. La mécanique, véritable moteur de l'industrie, a son rôle à jouer dans cette révolution. Et ceci se fait notamment en intégrant les paramètres liés au développement durable, que ce soit en termes de produits avec l'écoconception, de procédés de fabrication et de traitements avec les éco-technologies, d'efficacité énergétique ou encore de recyclage et de valorisation des déchets et produits en fin de vie. Enfin, les besoins technologiques liés aux énergies alternatives ou renouvelables qu'elles soient dédiées à la production ou aux transports, nécessitent d'innover et demandent donc un important effort de R&D.
En quoi le développement durable est-il un élément de compétitivité ?
Michel Laroche : Si l'on parle souvent de développement durable dans les domaines liés aux particuliers tels que l'habitat, l'industrie, dont la mécanique, est loin d'être en reste. Elle est même à l'origine de bien des démarches. Ainsi, en mécanique, le concept de développement durable fait appel à l'ensemble des méthodes et technologies " soucieuses " de l'impact sur l'environnement tout au long du cycle de vie d'un produit ou d'un procédé.
Malgré les réticences dues aux contraintes, réglementaires notamment, et aux risques de voir fondre les marges de manoeuvre commerciales, ce thème représente aussi une opportunité d'innovation et de croissance. En contribuant à gagner en consommation de matière et d'énergie, tant dans la phase de fabrication que dans l'utilisation d'un produit, il constitue un moyen de s'assurer d'un avantage concurrentiel. La R&D dans le domaine du développement durable concerne aussi la dimension sociétale au travers d'études sur l'intégration du facteur humain et l'ergonomie. L'analyse de l'activité des opérateurs et des interactions avec leur environnement permet d'améliorer les conditions de travail, de réduire les risques, notamment les maladies professionnelles et d'améliorer la productivité.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
Michel Laroche : Au chapitre de l'éco-conception, la mécanique française est en pointe. La méthode d'écoconception Maieco (méthode d'apprentissage pour l'intégration de l'éco-conception), développée par le Cetim et l'Ensam et intégrée par l'UNM (Union de Normalisation de la Mécanique) dans la norme française NF E 01-005 (Éco-conception des produits mécaniques), est appliquée avec succès.
Bourgeois, PME savoyarde, l'a utilisée pour reconcevoir sa gamme de fours de cuisson professionnels. Résultats : une consommation d'énergie en baisse de 35 %, une masse réduite de 10 %, une recyclabilité qui dépasse 90 %. Des performances qui ont permis à Bourgeois de relancer son activité et l'incite aujourd'hui à proposer sa production aux particuliers passionnés. Cette norme française d'éco-conception est aujourd'hui en passe d'être adoptée comme norme européenne. Elle a d'ailleurs déjà séduit Outre-Rhin. I.con Innovation GmbH, société allemande de conseil en innovation, a en effet décidé de proposer cette méthode à ses entreprises clientes. Concernant les énergies renouvelables ou alternatives, le Cetim travaille aux côtés des équipementiers et des constructeurs dans la mise au point des éléments mécaniques pour les prochaines générations de véhicules hybrides et électriques. Il est ainsi membre fondateur de l'IEED Vedecom (le véhicule décarboné2 et sa mobilité) initié par le pôle de compétitivité Moveo et qui prendra place à Versailles-Satory. Cinq bancs d'essais sont actuellement actifs dans le cadre d'un programme d'investissement de 7 M€ sur trois ans.
Toujours au sujet des véhicules, le Cetim travaille à l'allègement des structures par l'emploi de matériaux composites. Une solution technique indispensable au respect des normes de rejet de CO2 voulues par Bruxelles à l'horizon 2020 (95g/km). L'École centrale de Nantes et le Cetim ont mis en place, au sein de l'Institut de Recherche Technologique Jules Verne à Nantes, une ligne pilote haute cadence pour la production d'éléments automobiles en matériaux composites, soit un investissement de plus de 13 M€. Dans un autre registre, des recommandations ont été éditées dans le domaine de l'ergonomie des machines et des TMS (troubles musculosquelettiques). Le développement durable, c'est aussi le recyclage et la deuxième vie des produits ou sousensembles qui les composent. Les déchets peuvent être transformés en de nouvelles matières premières. Sur ce point, le Cetim a récemment lancé le projet Open Green Mind, qui vise à stimuler le développement d'une nouvelle offre mécanicienne nationale sur les filières vertes en mettant notamment à profit des leviers technologiques. Nous avons ainsi co-développé avec la société SFH une presse capable de compacter les fractions métalliques contenues dans les boues d'usinage tout en récupérant les lubrifiants. Le produit est ensuite valorisé en fonderie ou en aciérie. Le gisement est évalué à 30 000 tonnes annuelles.
Un autre accord de co-développement vient d'être signé avec la société Trinov, éditeur du logiciel Nova dédié à la gestion des déchets. Il s'agit de compléter ce logiciel d'un outil d'analyse des processus industriels pour en faire un système complet de gestion et de réduction des déchets mécaniciens. Objectif : déterminer en quelques clics, en fonction des matières consommées, de la typologie des déchets et de la localisation de l'entreprise, les meilleures solutions de traitement et de valorisation.