La technologie IoT peut être définie comme un réseau interconnecté mondial, doté de la capacité de collecter un volume de données quasiment illimité. Ces données peuvent être envoyées vers des ordinateurs dans le Cloud, puis utilisées pour alimenter les algorithmes ML (« Machine Learning ») qui améliorent l’intelligence des milliards d’objets connectés qui composent le réseau. Même le plus modeste objet connecté peut devenir plus intelligent petit à petit, ce qui laisse présager d’un énorme potentiel pour le futur de l’industrie, entre autres, du commerce, de l’éducation ou de la médecine, souligne Kjetil Holstad, vice-président chargé de la stratégie et des produits chez Nordic Semiconductor.
Prenons par exemple un simple réfrigérateur. Il en existe des milliards dans le monde, qui représentent 12% de la consommation mondiale d’électricité. En alimentant régulièrement les modèles ML avec des données comme la température externe et interne, quelle quantité de nourriture est stockée dans l’appareil, à quelle fréquence la porte est ouverte, ainsi qu’avec des données avancées, telles que le moment où le réseau électrique est moins performant, alors le contrôleur du compresseur d’un réfrigérateur intelligent peut rapidement s’adapter à des habitudes régulières et avoir un impact significatif sur l’utilisation de l’énergie et les émissions de carbone. Le tableau ainsi brossé est très attrayant sur le papier, mais le défi consiste en réalité à parvenir à faire fonctionner le matériel et le logiciel ensemble sans encombre.
Plus près de la périphérie
Aujourd’hui, on limite le trafic du réseau en distribuant une bonne partie de l’intelligence de l’IoT vers la périphérie, ce qui est possible car les objets connectés actuels, tout en continuant d’intégrer de modestes ressources par rapport aux ordinateurs du Cloud, sont devenus des produits puissants basés sur des SoC et des SiP dotés de processeurs d’application dédiés, de larges ressources de mémoire et de logiciels innovants. Grâce à cela, l’Internet des Objets peut gérer des ressources d’informatique distribuée étendues au sein desquelles chaque objet connecté a des capacités significatives de traitement en périphérie.
À leur niveau le plus élémentaire, les éléments en périphérie permettent aux appareils IoT de passer au crible localement les données, d’écarter celles qui sont sans intérêt pour ne conserver que celles qui changent et qui devraient être transférées et analysées. En ajoutant le ML à la combinaison, les appareils en périphérie passent de simples tâches d’analyse des données, pour vérifier si elles dépassent les seuils prédéfinis, à l’inférence de ce que le changement de données signifie, pour ensuite entreprendre une action pour corriger le problème.
L’IA en périphérie (Edge AI) apporte un certain nombre d’avantages aux produits IoT. Les entrées peuvent être traitées au niveau local en temps réel, de sorte qu’il devient inutile d’utiliser de la bande passante pour envoyer les données brutes sur une liaison câblée, tout comme de perdre du temps en attendant la réponse du Cloud. Ensuite, le traitement des données au niveau local utilise moins d’énergie que le fait d’envoyer les données à distance, ce qui permet aux objets connectés de fonctionner plus longtemps, ou bien d’utiliser des batteries plus petites.
Le défi de conception
L'utilisation de l’IA et du ML pour améliorer l’IoT apporte, certes, de nombreux avantages, mais la mise en œuvre de la technologie à cette échelle peut poser des problèmes. De nombreux modèles ML avancés actuels nécessitent des ressources de calcul conséquentes ainsi qu'une grande consommation énergétique pour réaliser l’inférence (c’est-à-dire faire fonctionner les modèles ML et prendre des décisions en se fondant sur les données collectées). Mais un grand nombre des appareils connectés IoT d’aujourd’hui, bien que capables de réaliser certains calculs d’informatique en périphérie de réseau, ne disposent pas de ces ressources.
L’une des solutions pour résoudre ce problème consiste à utiliser le TinyML (Tiny Machine Learning, une marque commerciale de TinyML Foundation, devenue synonyme du nom de la technologie). Le TinyML est une subdivision du ML qui simplifie la technologie pour la rendre utilisable dans les appareils embarqués alimentés par batterie et basés sur un microcontrôleur. Le TinyML permet à des capteurs IoT compacts d’effectuer des tâches de Machine Learning avec une réactivité en temps réel.
L’écosystème de développement de TinyML le plus populaire et le plus mature s’appelle LiteRT (anciennement connu sous le nom de TensorFlow Lite) pour microcontrôleurs (LiteRT Micro). LiteRT Micro a été spécialement conçu pour les tâches de ML sur des appareils avec des ressources limitées, en utilisant principalement, comme son nom l’indique, les microcontrôleurs. LiteRT Micro, basé sur un environnement Python, intègre des bibliothèques et des boîtes à outils pour l’acquisition de données, le prétraitement, l’architecture des modèles, l'entraînement, l’optimisation et la quantification.
Tandis que l’optimisation matérielle et le TinyML ont permis aux SoC sans fil actuels de prendre en charge le ML sans avoir besoin d’énormément de puissance de calcul ou d’accélérateurs dédiés, la nouvelle génération de composants permettra demain de faire tourner des routines ML plus avancées. Pour sa part, Nordic Semiconductor a investi des millions de dollars dans la recherche afin de pouvoir commercialiser ce type de matériel.
On peut citer en exemple le nRF5340 double cœur de Nordic, ainsi que le SoC sans fil nRF54H20 de quatrième génération. Le SoC nRF54H20 intègre plusieurs processeurs ARM Cortex-M33 et RISC-V, chacun d’entre eux étant optimisé pour un type de charge de travail spécifique. Les ressources de calcul du SoC sont supportées par de la mémoire non volatile (MNV) et de la RAM haute capacité embarquée. Grâce à ces ressources, le nRF54H20 dispose de toutes les capacités pour prendre en charge les algorithmes TinyML avancés. TinyML est fourni par le partenaire de conception de Nordic, Edge Impulse.
Le ML en action
Malgré les problèmes épineux du développement, les développeurs sont déjà en train d’introduire des produits IoT intégrant du ML sur le marché. Prenons l’exemple de la société norvégienne Sensorita. Cette entreprise a lancé une solution intelligente de gestion des déchets basée sur un produit IoT cellulaire SiP de Nordic, le nRF9160. L’appareil de Sensorita utilise la technologie radar basée sur les recherches de l’université norvégienne pour les sciences de la vie (NMBU), pour évaluer les niveaux de remplissage et le contenu des grands conteneurs à déchets.
Les entreprises de gestion des déchets font face à divers problèmes, comme le déplacement des conteneurs de tri sélectif et le dépôt de type de déchets inadéquats, et ne connaissent pas le niveau de remplissage du conteneur, ni ce qu’il contient et ni à quel moment le collecter. Cela entraîne des problèmes de logistique et de planning de production, tout en augmentant les émissions de CO2 à cause des collectes inutiles.
Sensorita a apporté une solution à ce problème grâce à un capteur durci intégrant un radar et un GPS. Le capteur prend des images radar de l'intérieur du conteneur plusieurs fois par heure, qui sont envoyées au Cloud de Sensorita pour y être analysées. Grâce aux algorithmes ML entrainés sur des millions d’images radar, le capteur peut estimer le niveau de remplissage du conteneur ainsi que le type principal de déchet qu’il contient.
Le SiP nRF9160 utilise les données de localisation du réseau cellulaire et la triangulation GNSS pour enregistrer l’emplacement précis de chaque conteneur et transmet les données issues du capteur vers la plateforme Cloud de Sensorita via son mode IoT LTE-M/NB.
Sensorita utilise également le ML pour optimiser le chemin emprunté par les camions pendant qu’ils sillonnent les villes pour vider les différents conteneurs. Cela permet des économies de carburant, une réduction du temps de travail et une diminution des émissions de CO2.
Lorsque le ML sera largement déployé sur le réseau, les résultats seront impressionnants. Prenons l’exemple de l’impact de la technologie dans le domaine de la santé. Les SoC sans fil, comme le nRF54H20 de Nordic, prendront en charge les dispositifs médicaux portés sur soi intégrant un grand nombre de capteurs surveillant de nombreux paramètres comme la fréquence cardiaque, la variabilité du rythme cardiaque, la température, la fréquence respiratoire, la saturation en oxygène dans le sang, le niveau de stress ou la fatigue.