Les fournisseurs des cartes électroniques et d'équipements pour applications embarquées doivent s'adapter au renouvellement effréné des microprocesseurs. Ce début d'année en apporte un nouveau témoignage : tous les acteurs importants viennent d'annoncer des modèles intégrant les iCore deuxième génération d'Intel, qui viennent tout juste d'arriver sur le marché, un an à peine après la première génération. Cette "précipitation" peut surprendre quand on sait qu'une fois installées sur leur site de destination, ces cartes sont faites pour y rester un bon bout de temps, souvent 10 ans et plus (c'est le cas dans les trains, voitures, avions, équipements d'automatismes, militaires, médicaux, voire télécoms). Mais pour un constructeur d'équipement, ce qui importe, c'est de proposer des produits "up-to-date" en matière de puissance de traitement (notamment les traitements graphiques), capacité mémoire, communication (Ethernet et radio), encombrement, poids, efficacité énergétique. Et pour être à niveau sur tous ces plans, il est important d'utiliser les dernières générations de microprocesseurs, micro-contrôleurs et autres FPGA.
Dans ce contexte, les fabricants de cartes doivent accompagner l'évolution de l'offre en matière de processeurs. Comme si les choses n'étaient pas assez complexes, il leur faut aussi envisager de faire des infidélités à leur fournisseur préféré et devenir "poly-gammes"... En effet, il y avait jusqu'ici des binômes bien établis, chaque standard de carte était associé à une architecture de processeurs. Par exemple, pour les grands standards de cartes, le CompactPCI traçait sa route avec des processeurs x86 tandis que le VME faisait équipe avec les processeurs PowerPC. Mais on sait que ce modèle s'est fissuré, les deux standards évoqués sont aujourd'hui proposés avec les deux familles de processeurs. Pour les cartes en petits formats, on est d'ores et déjà assurés de vivre le même genre de situation. Intel, une fois de plus, est au cœur de l'action. En annonçant son intention de conquérir le marché des petits matériels mobiles (smartphones, tablettes, etc.), il a déclenché une levée de boucliers des fournisseurs de processeurs à architecture ARM, qui monopolisaient ce marché. Ceux-ci ont déjà contre-attaqué en annonçant qu'avec leurs nouvelles générations de processeurs, ils pouvaient aller défier Intel sur son propre terrain. A n'en pas douter, l'affrontement entre les deux clans devrait se faire sur le terrain des cartes au petit format. Affaire à suivre...
Il existe deux grandes familles de cartes processeurs en petits formats : les cartes SBC et les modules COM/SOM. Les cartes SBC (Single Board Computer) sont des cartes micro-ordinateur autonomes, avec toute la connectique pour les périphériques. Les modules COM (Computer On Module) ou SOM (System On Module) sont quant à eux des modules processeurs conçus pour être accueillis sur une carte porteuse, où se trouvent tous les éléments périphériques et la connectique associée. Pour la petite histoire, on notera que COM et SOM désignent la même chose : COM a été proposé par VDC, une société d'études de marchés, tandis que SOM était à l'origine une appellation d'Advantech, mais reprise aujourd'hui par un peu tout le monde.
Il n'y a pas que les formats propriétaires
Les cartes SBC en petit format existent depuis longtemps. Quand la carte est autonome (il n'y a donc pas d'échanges à prévoir avec d'autres cartes), il n'y a pas vraiment de contraintes en matière de format. Pour cette raison, la plupart des petites cartes SBC proposées sur le marché sont des modèles propriétaires. Les modèles 3,5 pouces présents chez bon nombre de fournisseurs ne font pas exception à la règle : il s'agit ici de donner un ordre d'idée sur la taille (3,5 pouces, ça fait 9 cm...) mais on voit bien que les dimensions varient d'un modèle à l'autre (y compris chez le même fournisseur).
Il y a cependant des configurations standard. Dans notre tableau, nous avons cité les différents formats ITX imaginés par VIA Technologies car plusieurs fournisseurs les ont adoptés et on peut dès lors considérer qu'il s'agit de standards de facto. Dans un deuxième temps, comme souvent dans le petit monde de l'embarqué, il y a fort à parier qu'on verra la création d'un consortium ITX pour promouvoir et faire évoluer le standard. Il y a d'ailleurs déjà un peu de mouvement : la déclinaison Pico-ITX a été reprise par le consortium SFF-SIG (Small Form Factor/Special Interest Group)... qui l'a faite évoluer pour créer le Pico-ITXe, qui est en fait un Pico-ITX auquel a été ajouté un connecteur standard Sumit prévu pour recevoir des cartes mezzanine d'entrées/sorties Pico I/O (au format 60x72 mm), également normalisées par le SFF-SIG.
Dans notre tableau, nous avons inclus le PC/104... bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'une carte SBC. En fait, les cartes PC/104 s'empilent les unes sur les autres, sans fond de panier ni carte porteuse. L'empreinte au sol reste donc identique (96x90 mm), seule l'épaisseur du sandwich varie. Le PC/104 est donc une solution pour concevoir des équipements à faible encombrement, et du coup on considère qu'il répond bien aux besoins de ceux qui recherchent des SBC. Il faut dire aussi que le PC/104 est devenu une référence unanimement adoptée pour établir des comparaisons. Ce standard a une longévité exceptionnelle. Songez qu'il a été introduit par Ampro (repris depuis par Adlink) en 1987 et qu'il a été normalisé dès 1992 par le consortium PC/104. Il a su évoluer pour intégrer les bus successifs introduits dans le monde du PC, la dernière évolution en date étant le PCI/104-Express, avec le bus PCI-Express. Le consortium PC/104 a pu ainsi capitaliser sur le succès du format d'origine... et créé de nouveaux formats standards. On lui doit en effet les formats de cartes EPIC et EBX, qui sont en fait des cartes mère prévues pour accueillir des cartes fille conformes au standard PC/104. EPIC et EBX se déclinent également en versions Express. Là encore, il ne s'agit pas de cartes SBC strictu sensu, puisqu'elles sont constituées d'un assemblage de cartes, mais elles se posent en concurrentes des cartes SBC propriétaires.
Le foisonnement des modules COM/SOM
Avec les modules COM/SOM, on reste dans les cartes processeur en petits formats... si ce n'est que ces modules ne peuvent pas travailler tout seuls. Il leur faut une carte d'accueil ou carte porteuse, sur laquelle se trouvent les traitements spécialisés, les entrées/sorties et les ports de communication. Dans le concept, on est assez proche des cartes mezzanine (ces cartes servent à personnaliser les entrées/sorties d'une carte sur laquelle est intégrée le CPU de base). En intégrant un module CPU COM/SOM sur leurs cartes métier, les constructeurs n'ont plus à reconcevoir leurs cartes pour suivre le rythme échevelé de l'évolution des processeurs : les fabricants de modules COM/SOM s'en chargent pour eux, il leur suffit donc de retirer le module COM jugé obsolète et d'y insérer le nouveau. En plus de permettre aux fabricants de cartes de proposer les dernières technologies de processeurs, les modules COM/SOM présentent l'intérêt de sélectionner le module le mieux adapté en fonction des besoins en puissance de traitement, capacité mémoire, traitements graphiques, communications ou efficacité énergétique. Pour cela, les fournisseurs de cartes ont l'embarras du choix, tant l'offre est abondante. Comme pour les cartes mezzanine, il est capital de disposer de standards afin de faciliter l'intégration du module COM/SOM sur la carte d'accueil. Cette nécessité s'est rapidement imposée à tous. Jumptec (repris par Kontron en 2002) et Advantech, les deux premiers acteurs à lancer des modules COM/SOM aux débuts des années 2000, s'étaient d'ailleurs mis d'accord sur le standard ETX, qui reprenait les bus de l'époque dans l'univers du PC. Plus tard, ETX a évolué pour donner naissance au standard XTX, qui intègre les bus PCI-Express, Sata et LPC.
Avec le format COM Express, les modules COM/SOM ont pris une nouvelle dimension. Il faut dire que ce format a été normalisé en 2005 par un organisme ayant pignon sur rue, le fameux PICMG (le principal organisme de normalisation pour les applications du PC dans l'univers de l'embarqué). Les COM/SOM existent en 3 facteurs de forme et pas moins de 7 connecteurs à 220 contacts (le connecteur Type 2 est le plus répandu). Le standard évolue mais à un rythme raisonnable (la version 2.0 est sortie fin 2010). Il existe d'autres formats. Il y a bien sûr l'incontournable PC/104, qui n'a pas été imaginé au départ pour ce type d'application mais que beaucoup intègrent sur des cartes porteuses. Plus récemment, il faut signaler le développement des formats ESM (149 x 71 mm), ESM Express (125x95 mm) et ESMini (95x55 mm) que l'Allemand Men a développés pour les environnements très difficiles en termes de température et vibrations. Les modules ESM/ESM Express sont équipés de processeurs x86 (Intel) ou PowerPC et proposent, via des adaptateurs, des compatibilités avec le standard COM Express (format de base et connecteur Type 2). Le concept est jeune, Men s'active pour le faire normaliser auprès du VITA (organisme chargé de l'évolution du VME et de ses successeurs), plus précisément par le groupe de travail Vita 59 RSE (Rugged System-On-Module Express). On notera qu'au sein du VITA, il existe d'autres propositions de modules COM, notamment chez Themis Computer (Nano-ATR).
Enfin, on signalera le tout récent et prometteur standard Qseven, imaginé au départ par Congatec. Un consortium a été créé, des normes sont sorties (la révision 1.20 est sortie en septembre). De nombreux fournisseurs ont déjà adhéré au consortium et l'offre devrait donc rapidement évoluer. Les cartes Qseven sont au format 70x70 mm (d'où le nom de Qseven...) et comportent un connecteur latéral MXM standard à 230 contacts, utilisé notamment dans les notebooks équipés de cartes PCI Express à haut débit. Qseven est très richement doté en connexions à des périphériques (ExPCIe, 2 SATA, 8 USB, 1 Gigabit Ethernet, affichage graphique haute définition, audio, etc.).
On le voit, en une décennie, le concept COM/SOM a déjà fait beaucoup de chemin.
Ces tableaux citent les formats les plus répandus des modules COM/SOM (Computer On Module/System On Module) et des cartes SBC (SingleBoar Computer) petits formats. Ils donnent également les noms des principaux fournisseurs présents sur le marché français. Certains ont desbureaux en France comme Advantech, Arbor, Emerson Network Power, Eurotech, Men, MSC Vertriebs et Via Technologies. Les autres passent pardes distributeurs : Aaeon (Equipements Scientifi ques), Adlink (Atemation, Ecrin), Axiomtek (Euro Composants, Infodip, IP Systèmes), Avalue(Atemation, Avnet Embedded, BF Display Solution), Congatec (Atemation, Tokhatec), Diamond Systems (Atemation, Neomore), iBase (IPOTechnologie), IEI (IPO Technologie), Octagon (Atemation), Radisys (Ismosys), Seco (Neomore) et Via Technologies (Euro Composants).