Le terme « Industrie 3.0 » se réfère au changement de paradigme qui s’est opéré dans l’industrie manufacturière dans les années 70. C’est alors que furent introduites les technologies informatiques pour stimuler l’automatisation et améliorer la productivité, la précision et la flexibilité. L’avancée de la quatrième révolution industrielle (ou Industrie 4.0) s’accompagne de l’automatisation à grande échelle du secteur industriel grâce à des technologies intelligentes, à la communication de machine à machine (M2M) et à l’apprentissage automatique (machine learning, ML). Alors que l’industrie 3.0 fournissait des informations permettant aux humains de prendre de meilleures décisions, la principale nouveauté introduite par l’industrie 4.0 réside dans le fait qu’elle utilise des informations numériques pour optimiser les processus, en grande partie sans aucune intervention de notre part.
Mais aussi, l’industrie 4.0 peut désormais établir un lien entre le bureau d’études de l’usine et son atelier de fabrication. Grâce aux technologies de communication M2M, la conception assistée par ordinateur (CAO) est en mesure de communiquer avec les machines-outils et de les programmer directement pour la fabrication des pièces. Les machines-outils peuvent également communiquer avec la CAO pour l’informer des difficultés rencontrées dans le processus de production, de sorte que les articles puissent être modifiés pour en faciliter la fabrication.
L’Internet industriel des objets (IIoT) est la plateforme sur laquelle les fabricants développent leurs solutions de l’industrie 4.0. Un rôle important du réseau est la formation de boucles de rétroaction qui assurent la surveillance des processus à l’aide de capteurs. Les données collectées par les capteurs sont ensuite utilisées pour contrôler et améliorer le fonctionnement des machines.
Si la mise en œuvre de l’IIoT est loin d’être simple, l’aspect le plus délicat réside sans doute dans le coût de l’investissement. Si cet investissement dans l’IIoT est justifié par les économies réalisées grâce à une meilleure conception et à une meilleure fabrication, ce qui se traduit par une augmentation de la productivité et une diminution de la défaillance des produits, tout ce qui peut réduire les dépenses est susceptible d’accélérer l’adoption de l’industrie 4.0. Une de ces mesures d’économie consiste à établir le réseau IIoT d’une usine sur la base d’une technologie de communication Ethernet éprouvée, accessible et relativement peu coûteuse.
L’Ethernet pour l’industrie
L’Ethernet est l’option de réseau câblé la plus répandue au monde, avec une bonne prise en charge par les fournisseurs et une interopérabilité IP intéressante. De plus, un même jeu de câbles peut transporter aussi bien les données que le courant pour alimenter les capteurs, les actionneurs et les caméras connectés.
Doté de connecteurs et de câbles robustes, l’« Ethernet industriel » s’appuie sur la version grand public d’Ethernet et représente une technologie éprouvée et avancée pour l’automatisation industrielle. En plus de transporter des informations indispensables, l’Ethernet industriel permet aussi à un superviseur d’accéder facilement à distance aux machines, aux automates programmables et aux contrôleurs se trouvant sur le site de fabrication.
Cependant, le protocole Ethernet standard est sujet à la perte de paquets, ce qui augmente son temps de latence. Il n’est donc pas adapté aux chaînes de montage synchronisées et en mouvement rapide. Pour pallier les faiblesses du protocole standard, le matériel Ethernet industriel est associé à des protocoles industriels déterministes et à faible latence comme Ethernet/IP, ModbusTCP ou Profinet.
Pour le déploiement de l’Ethernet industriel, des versions renforcées du câble CAT 5e du produit standard sont utilisées et, pour l’Ethernet Gigabit certifié, du câble CAT 6.
Le câble CAT 5e, par exemple, comprend huit fils regroupés en quatre paires torsadées. La torsion limite les interférences de signaux (diaphonie) entre chaque paire de fils. Une paire comprend les deux côtés d’une connexion duplex. Pour les systèmes à haut débit, tels que l’Ethernet Gigabit, les quatre paires sont utilisées pour transporter les données. Les systèmes avec des exigences de débit plus faibles (jusqu’à 100 Mbit/s) peuvent fonctionner avec seulement deux paires torsadées, les paires restantes pouvant servir à d’autres fins telles que l’alimentation électrique ou les services téléphoniques classiques.
Combler les lacunes avec des solutions propriétaires
Un inconvénient de l’utilisation du câble CAT 5e lors du déploiement de l’IIoT est son surdimensionnement pour de nombreuses tâches. L’Ethernet à grande vitesse est certes bien pratique lorsque des machines-outils sont programmées à partir de la CAO, mais il n’est guère nécessaire pour un capteur chargé de signaler la vitesse d’un convoyeur à bande, par exemple. Une grande partie de l’IIoT basé sur l’Ethernet sert en effet à collecter de faibles quantités d’informations auprès des capteurs afin d’optimiser le processus de fabrication.
Le risque est donc d’investir de fortes sommes dans des kilomètres de câbles qui ne seront jamais exploités au mieux de leurs capacités. Dans le secteur industriel plus attentif aux coûts, un tel gaspillage est généralement évité par le recours à des solutions plus économiques. Au lieu d’investir dans des câbles coûteux, les fabricants se sont tournés vers des bus de terrain propriétaires beaucoup moins onéreux pour connecter les capteurs et les systèmes qui n’ont pas besoin de disposer de tout le potentiel d’Ethernet. Ces bus de terrain sont généralement utilisés pour des applications telles que l’instrumentation industrielle et les E/S à distance. Ils proposent des longueurs de câble allant jusqu’à un kilomètre et affichent un débit de données brutes maximal de 10 Mbit/s. Bon nombre de ces bus de terrain propriétaires, dont Hart, Profibus PA et 4-20mA, utilisent un câble à paire torsadée simple relativement peu coûteux.
Aujourd’hui, les usines qui mettent en œuvre l’industrie 4.0 utilisent l’Ethernet standard pour des tâches telles que la planification des ressources de l’entreprise et la CAO ; l’Ethernet industriel pour les opérations d’ingénierie et la gestion des actifs d’usine ; et des bus de terrain propriétaires pour l’instrumentation et les E/S à distance.
Cette approche n’est pas idéale. En effet, si les deux premiers systèmes fonctionnent bien ensemble, le dernier n’est pas interopérable avec eux.
L’IEEE 802.3cg, une récente évolution de la norme Ethernet, a été conçu pour répondre aux applications industrielles qui sont actuellement desservies par des bus de terrain non Ethernet. Cette nouveauté est de plus en plus appréciée, car elle permet à toutes les opérations de l’industrie 4.0 d’utiliser la plateforme Ethernet. Tous les équipements, du serveur cloud principal de l’usine aux terminaux distants, en passant par le plus petit moniteur de température, seront en mesure de communiquer entre eux grâce à un protocole normalisé unique.
Un élément clé du développement de la norme est le câble Ethernet à paire unique (SPE) qui, comme son nom l’indique, transporte les données sur une seule paire torsadée, contrairement au câble CAT 5e à paires multiples de l’Ethernet industriel classique.
Cette évolution est une aubaine pour les propriétaires d’usines en raison de la réduction considérable des coûts, mais aussi de l’encombrement des locaux par les câbles de communication. Autre avantage encore plus intéressant : même s’il est équipé de nouveaux connecteurs Ethernet, le câblage à paire torsadée simple des bus de terrain propriétaires existants peut être réutilisé pour une utilisation SPE, rendant ainsi superflu le remplacement de kilomètres de câbles anciens par de nouveaux câbles.
La norme IEEE 802.3cg introduit également deux nouvelles couches physiques (PHY) pour l’adaptation aux applications industrielles et réduire les coûts. La première est destinée aux applications à courte portée (jusqu’à 15 mètres), tandis que la seconde offre une portée allant jusqu’à un kilomètre et comprend un niveau de transmission amplifié en option pour une meilleure tolérance au bruit, ainsi qu’un mode inactif à faible consommation pour économiser de l’énergie.
De l’importance du sans-faute
Les processus de fabrication modernes exigent précision et répétabilité. Un composant ou une pièce doit être fabriqué avec des tolérances suffisamment faibles pour pouvoir être utilisé dans des milliers d’exemplaires d’un produit final et fonctionner parfaitement pendant des années. Qu’il s’agisse de montres mécaniques haut de gamme ou du dernier smartphone, plus les objets sont petits ou complexes, plus la précision requise est grande.
L’IIoT permet d’obtenir cette précision avec un contrôle en temps réel et une détection des écarts avant qu’ils ne deviennent trop importants. Assurer un parfait résultat dès le premier coup réduit le nombre de pannes et les réclamations interminables effectuées au titre de la garantie. Le bénéfice est non seulement économique, mais aussi sur le plan de la durabilité. En effet, lancer un nouveau produit sans défauts permet d’économiser de l’énergie, des émissions et des matériaux précieux.
Conclusion
L’Ethernet à paire unique permet aux ingénieurs de tirer parti de l’Ethernet industriel dans l’ensemble des processus, et ce jusqu’au moindre capteur. Cela facilite la collecte et l’analyse des données détaillées nécessaires pour l’amélioration des processus de fabrication et l’exploitation maximale du potentiel des nouvelles technologies telles que le ML et l’IA.